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Européennes 2024 : « Je lance un appel aux orphelins de la Nupes »

Actualité 29 janvier 2024

Faute d’union de la Nupes pour les européennes, Manon Aubry y retourne. Comme en 2019, elle sera la tête de liste de la France insoumise aux élections européennes de 2024. Une évidence ? Ces derniers mois, les insoumis ont testé l’hypothèse Ségolène Royal voire une candidature de Jean-Luc Mélenchon lui-même. Manon Aubry coupe court : elle officialise sa candidature dans 20 Minutes.

Est-ce que vous serez pour la deuxième fois, la tête de liste de la France insoumise aux élections européennes ?

Je propose ma candidature pour mener la liste de l’Union populaire. Je lance un appel à tous les orphelins de la Nupes, tous ceux pour qui sa création a représenté un espoir. Je veux leur dire : « Rejoignez-nous, venez nous aider ! »

Vous êtes la seule candidate…

Les insoumis m’ont déjà désignée cheffe de file. Nous travaillons désormais à l’élaboration de la liste et les militantes et militants auront l’occasion de voter sur la liste dans son intégralité début mars.


Est-ce qu’on peut dire que vous menez une liste eurosceptique ?

Le clivage europhile/eurosceptique est un faux débat. Quand l’Union européenne impose les accords de libre-échange ou les coupes budgétaires dans nos services publics, est-ce que vous pensez qu’on devrait dire par principe vive l’Europe quand on est de gauche ? Dans le même temps, quand je me bats au Parlement européen pour le devoir de vigilance des multinationales ou pour la définition du viol dans un texte de lutte contre les violences faites aux femmes, je me bats contre Emmanuel Macron qui se prétend europhile mais est le premier à bloquer des avancées. Ce qu’il faut, c’est une rupture claire avec l’Europe libérale, c’est ça que je continuerai à porter.


Vous sortez de cinq ans au Parlement européen, ça n’a pas changé votre vision de la construction européenne ?

D’abord, j’ai pu voir de l’intérieur le poids des lobbys, qui profitent de l’opacité de toutes les négociations au niveau européen. On a joué le rôle de lanceurs d’alerte, par exemple sur le grand scandale de corruption du QatarGate que j’ai dénoncé de l’intérieur. La deuxième chose, c’est que j’ai pu voir en pratique comment se jouent les rapports de force et comment parfois on peut les gagner comme sur le devoir de vigilance. C’est un texte pionnier pour que les multinationales arrêtent de saccager les droits humains et la planète et une victoire que j’ai arrachée après 5 ans de combat acharné. Au parlement européen, nous sommes aussi ceux qui tiennent bon face au paquebot libéral qui continue d’avancer.


Est-ce que, précisément, ce paquebot n’a pas commencé à aller un peu plus dans votre sens dans la crise sanitaire avec le Green Deal ? Est-ce que ce n’est pas la preuve que l’Union européenne n’est pas, par nature, ultralibérale ?

La succession de crises (covid, énergie, inflation) a montré au grand jour le danger des dogmes sur lesquels s’était construite l’Union européenne. Parfois, les dirigeants européens ont repris nos mots. Mais la réalité est que l’Union européenne reste droguée au libre-échange, l’austérité et la marchandisation de tout. Il faut la sevrer. Le marché de l’énergie a fait exploser nos factures d’électricité. L’austérité budgétaire a asphyxié notre hôpital public. Mais aucune leçon n’a été retenue.

Je veux d’ailleurs lancer l’alerte : après avoir été suspendues, de nouvelles règles budgétaires viennent d’être votées et vont imposer la pire crise d’austérité jamais connue. Gabriel Attal va présenter son discours de politique générale mardi, mais il a en réalité un programme caché. Il devra imposer à la France 25 milliards d’euros d’économies par an, soit l’équivalent de la suppression de plus de 700.000 postes d’enseignants. Il n’est pas Premier ministre, il est exécutant de l’obsession austéritaire de la Commission européenne !


Globalement, le projet des insoumis pour l’Europe, c’est toujours renégocier les traités ?

D’abord, c’est un projet qui est ancré dans le concret, pour vivre mieux. Quelques exemples : l’encadrement des marges des entreprises multinationales, notamment dans l’agroalimentaire. Sortir l’énergie et tous les biens communs des logiques du marché. Taxer les entreprises multinationales et les milliardaires, protéger nos services publics de l’austérité. Et donc oui pour appliquer une partie de ces mesures, bien sûr qu’il faudra changer les traités et y désobéir en attendant.

Prenons un cas concret qui est d’actualité : la question agricole. Dans votre programme de 2022, vous dites que la politique agricole commune (PAC) « promeut un modèle contraire à une agriculture paysanne, biologique et respectueuse du bien-être animal ». Vous réclamez un profond changement de modèle mais est ce que vous pouvez faire cette révolution face à des agriculteurs qui veulent plus de libertés, moins de contraintes ?

La question centrale, c’est la demande de dignité. Les agriculteurs veulent vivre de leur travail. Simplement ça. L’immense problème c’est que les prix pour le consommateur ont augmenté de 10 % quand la rémunération des agriculteurs a baissé de 10 %. Au milieu, il y en a qui se gavent. Les paysans ne peuvent plus être les vaches à lait de l’agro-industrie ! Il faut donc des prix planchers pour leur production et bloquer les marges des agro-industries. De cela, Gabriel Attal n’a pas dit un mot et continue de laisser les agriculteurs sur la paille, c’est irresponsable !

Sur la PAC, l’enjeu c’est son rééquilibrage : 80 % des aides de la PAC vont à 20 % des plus grosses exploitations agricoles, il faut au contraire aider les petits.

Les normes écologiques ne sont pas le problème, c’est plutôt qu’elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. On ne peut pas demander à un agriculteur français d’être compétitif face aux fermes usines du Brésil, du Kenya, de Nouvelle-Zélande ou d’Ukraine qui produisent leur bœuf, haricots, lait ou poulet avec des salaires encore plus bas et des pesticides qui sont interdits chez nous. Face à cette concurrence déloyale, il faut assumer du protectionnisme. Je préside au Parlement européen le seul groupe qui s’est systématiquement opposé à tous les accords de libre-échange. J’en ai marre de l’hypocrisie de tous ceux qui, comme les macronistes, se prétendent au chevet des agriculteurs en France mais votent tous les accords de libre-échange à Bruxelles.


Vous avez déjà dit que vous étiez défavorable à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. N’est-ce pas manquer à notre devoir de solidarité minimum avec l’Ukraine qui est en guerre contre la Russie ?

Depuis le début de l’invasion russe, à aucun moment nous n’avons fait défaut dans notre solidarité vis-à-vis de l’Ukraine. Notre boussole, c’est le droit international, partout, ici comme à Gaza et d’ailleurs le deux poids deux mesures est insoutenable. Où est l’Union européenne pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza et appliquer des sanctions contre Israël comme elle l’a fait à juste titre vis-à-vis de la Russie ?

Sur l’Ukraine, on a systématiquement soutenu l’aide financière et humanitaire, et je pense qu’on doit continuer à le faire aussi longtemps que la guerre durera. Mais ce n’est pas la même chose que l’adhésion à l’Union européenne : faire entrer l’Ukraine aujourd’hui, c’est ouvrir une nouvelle vague de délocalisation industrielle et agricole massive. Le salaire minimum y est autour de 200 euros. C’est le pays des immenses fermes usines. On ne peut accepter cette concurrence déloyale ou alors on va reproduire les erreurs déjà commises au moment du précédent élargissement.

Récemment le député LFI François Ruffin et la probable tête de liste socialiste Raphaël Glucksmann ont commencé un « débat épistolaire », notamment sur la question de l’adhésion de l’Ukraine. Cette question peut-elle devenir le prochain sujet indémêlable des gauches sinon irréconciliables au moins irréconciliées ?

Non. On a eu ce débat au moment du programme de la Nupes, sur l’élargissement de manière générale. On avait posé comme condition préalable l’harmonisation préalable sociale, fiscale et environnementale par le haut. Et aujourd’hui, cette condition n’est pas remplie. Qu’est-ce qu’être de gauche sinon combattre le dumping et la concurrence déloyale ? On devrait tous s’entendre sur cette position et je regrette de ce point de vue-là que certains s’éloignent du programme de la Nupes.

Il y a quatre listes de l’ancienne Nupes pour les européennes. Pour l’instant, on est loin du pacte de non-agression. Est-ce que ça va être comme ça pendant toute la campagne ?

Le meilleur pacte de non-agression, c’est une liste de la Nupes. J’y suis toujours prête !

Ça sonne presque comme une menace…

Non ! Ce n’est pas une menace ! Vous savez, mon sujet c’est comment on peut s’attaquer au duo Bardella-Attal. On le voit, a fortiori sur les questions migratoires, on a Attal qui rame, mais derrière, celui qui tient le gouvernail, c’est Bardella et l’extrême droite. C’est ça la vraie menace et c’est pour ça que nous devons rester groupés derrière le programme de la Nupes.

A la direction de la France insoumise vous êtes un peu la dernière à tenir cette position-là… Des leaders insoumis décrivent presque les socialistes et les écologistes comme des ultralibéraux. Est-ce qu’on est crédible quand on a réclamé pendant des mois à cor et à cri une liste unique avec ces mêmes personnes ?

Il y aura une liste de l’union populaire le 9 juin qui défendra le programme, l’esprit, la stratégie de la Nupes et c’est celle que soutiendra toute la France insoumise. Parce que c’est le chemin le plus court pour construire une alternative au duo Bardella - Attal. Et parce qu’il y a urgence face à l’extrême droite qui est aux portes du pouvoir partout en Europe.

On parle d’un duel Attal-Bardella pour les européennes. Gabriel Attal, vous le connaissez bien : vous avez le même âge que lui, vous avez été dans sa promo à Sciences po. Que vous évoque sa nomination à Matignon ?

Ce n’est pas un duel mais un duo, des jumeaux plus que des rivaux. Déjà à l’époque Gabriel Attal se prétendait de gauche, mais il a dû confondre avec la rive gauche, les 6e, 7e arrondissements de Paris qu’il n’a jamais quittés. Moi ce n’est pas mon monde dans lequel j’ai grandi.

Gabriel Attal est devenu le premier communicant de France. Mais que fait-il face à l’explosion des inégalités quand on a les 42 milliardaires français qui ont augmenté leur fortune de plus de 240 milliards d’euros (soit l’équivalent d’un chèque de 3.400 euros par Français) et dans le même temps près de 10 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, dont de nombreux étudiants ? Gabriel Attal est le Premier ministre des privilèges d’un monde dans lequel il a évolué et dont il défend encore aujourd’hui les intérêts.

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