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Interview au Figaro «Je porterai quoi qu'il arrive le programme de la Nupes aux élections européennes»

Billet d'humeur 23 octobre 2023

ENTRETIEN - L’eurodéputée Insoumise estime que certains à gauche s’emparent du conflit israélo-palestinien pour «prétexter des désaccords» afin de rompre l’alliance.

Entretien dans Le Figaro, 23 octobre 2023

Vous avez accusé ce vendredi Gérald Darmanin de «dérive liberticide». Pourquoi?
Manon AUBRY. -Regardez ses propos sur Karim Benzema. Il l'accuse sans le moindre début de preuve d'avoir une proximité avec les Frères musulmans. Comme unique argument désormais, il lui reproche de ne pas avoir tweeté sur la terrible attaque terroriste d'Arras. C'est à se demander s'il est ministre de l'Intérieur ou community manager… Cette histoire serait juste ridicule si elle n'illustrait pas un phénomène plus large : le ministre de l'Intérieur considère qu'il peut agir au-dessus des lois pour discréditer ceux qui ne pensent pas comme lui. C'est inacceptable dans le cadre d'un État de droit. Par ailleurs, je note aussi son silence assourdissant sur les menaces de mort qui pèsent sur les élus et militants de La France Insoumise. Ça, c'est un délit en revanche. Mais ça n'a pas l'air de l'émouvoir.

Quelle devrait être la parole de la France sur le conflit israélo-palestinien?
La situation à Gaza est catastrophique aujourd'hui. Des bombes israéliennes tombent toutes les secondes sur les populations civiles. 4000 Palestiniens ont déjà perdu la vie. Plus de deux millions de personnes sont prises au piège, privées d'eau, d'électricité, de nourriture… Gaza, qui était déjà une prison à ciel ouvert, est aujourd'hui en train de se transformer en cimetière. L'urgence est donc d'exiger un cessez-le-feu immédiat comme le demande également le Secrétaire général de l'ONU. C'est l'amendement que j'ai porté au Parlement européen mais que les macronistes, la droite et l'extrême droite ont refusé de soutenir. La voix de la France, membre permanente du Conseil de Sécurité de l'ONU, pèse sur la scène internationale. Elle doit porter le message de la paix en rappelant que la seule perspective à terme est la solution à deux États en accord avec les résolutions de l'ONU.

Pourquoi les Insoumis ont eu tant de mal à qualifier le Hamas d’organisation terroriste?
Je souhaite d'abord dire clairement que le Hamas est une organisation obscurantiste, islamiste, à l'opposé de nos valeurs. Ils ont commis des atrocités innommables contre les civils israéliens que je condamne avec fermeté. Le Hamas est présent depuis 2003 sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne et personne à La France Insoumise ne demande qu'il en soit retiré. J'ai travaillé pendant plusieurs années dans l'humanitaire, et enseigné en droits de l'homme, et je sais aussi que la qualification juridique adaptée pour pouvoir condamner ces actes devant la Cour Pénale Internationale est celle de «crimes de guerre». La qualification «terroriste» est plus politique que juridique. Elle est utile je pense pour nommer l'émotion devant l'horreur des exactions commises, ce que j'ai fait. Mais il faut être vigilant sur son instrumentalisation potentielle comme ce fut le cas lors de la «guerre contre le terrorisme» menée illégalement par les États-Unis notamment en Irak, et contre laquelle Dominique De Villepin s'était à juste titre opposé.

Dans un entretien au Monde , François Ruffin a considéré que la parole de LFI n’avait «pas été à la hauteur»...
En tout cas, elle doit l'être. Notre parole a besoin de clarté parce que la situation est très grave. Cette clarté passe à la fois par la condamnation totale des actes de terreur injustifiables du Hamas, la nécessité de juger ses crimes de guerre et le refus d'un deux poids deux mesures face à l'horreur. Nous condamnons également les crimes de guerre de Netanyahu et refusons la notion de «soutien inconditionnel» à son gouvernement d'extrême droite. La priorité aujourd'hui, c'est le cessez-le-feu, la libération des otages, la création de couloirs humanitaires et la levée du blocus de la bande de Gaza. Je crois que cette position globale est sérieuse, claire et la seule à même d'être à la hauteur face à la catastrophe qui se déroule sous nos yeux. Si elle a été mal présentée ou mal comprise par certains de bonne foi, je n'ai pas de souci à la réexpliquer comme je viens de le faire. Après je ne suis pas dupe aussi des caricatures de nos adversaires qui ont parfois sciemment déformé nos propos.

Peut-il y avoir plusieurs lignes au sein de La France Insoumise?
Notre mouvement grandit. Nous avons 75 députés, notre candidat a fait 22% à la présidentielle. Il est donc normal qu'il y ait du débat. Y compris sur des questions stratégiques. Cela est même souhaitable. En revanche, personne ne remet en question le programme commun qui reste le ciment de LFI, pour la redistribution des richesses, la 6ème République ou la planification écologique. Aujourd'hui, je n'entends personne dire 'je vais claquer la porte de LFI parce que j'ai un désaccord fondamental'. Et vous savez, je suis unitaire pour deux, au sein de la Nupes comme au sein de la France Insoumise.

En désaccord avec vos positions sur le conflit israélo-palestinien, le PS a en attendant annoncé suspendre ses travaux communs avec LFI en attendant des clarifications. Faut-il leur en donner?

J'ai entendu également Fabien Roussel et Jadot prétexter des désaccords sur ce sujet pour demander la fin de la NUPES alors qu'ils ont toujours été contre l'union ! Tous ces jeux politiciens paraissent très éloignés des drames actuels du monde et de la réalité sociale du pays. Que devons-nous clarifier ? Que nous sommes toujours d'accord avec le programme de la Nupes sur lequel ont été élus 150 députés ? Je dis surtout que c'est à nos partenaires de clarifier. Sont-ils toujours d'accord avec ce programme commun? Si c'est oui, alors pourquoi s'éloigner de cette construction commune ? Si c'est non, qu'ils nous disent concrètement sur quoi ? Tout le monde était bien content aux législatives d'avoir la figure de Jean-Luc Mélenchon et le logo de la Nupes sur leurs affiches et tracts pour faire élire 150 députés. C'est un peu facile d'en avoir bénéficié à l'époque et de vouloir le jeter à la poubelle dès que l'occasion est passée. Je n'accepte pas qu'on utilise les drames actuels du monde pour régler des problèmes de congrès. Ce n'est pas responsable alors que le peuple de gauche a besoin d'une alternative crédible face à Macron et Le Pen.

Vous plaidez depuis des mois pour une liste commune de la Nupes aux européennes. Y croyez-vous encore?
On ne va pas se mentir, cela paraît aujourd'hui très compliqué puisque les socialistes, les écologistes et les communistes ont fait très clairement le choix d'une destinée solitaire - et ce bien avant que la question du Hamas ne se pose d'ailleurs. Pour ma part, j'ai défendu depuis le début l'unité comme l'écrasante majorité des électeurs de gauche. Tout comme les organisations de jeunesse de la Nupes également, qui ont réalisé un travail incroyable en mettant sur la table un programme commun de 166 propositions qui aurait pu tous nous réunir. Moi, je ne change pas d'avis et donc je porterai quoi qu'il arrive le programme de la Nupes aux élections européennes. Ce programme a été signé par tous les partenaires il y a un an. Charge aux socialistes, aux écologistes et aux communistes d'expliquer aux électeurs de la Nupes en quoi ils sont en désaccord et pourquoi cela justifie de briser notre unité si durement acquise.

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