Bifurcation écologique ou libre-échange, il faut choisir
Bifurcation écologique ou libre-échange, il faut choisir. L’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande est une aberration écologique et économique, explique Manon Aubry, députée européenne de la France insoumise, qui sera présente à Nantes au Climat Libé Tour.
Tribune publiée dans Libération.
Le traité de libre-échange que l’Union européenne s’apprête à approuver dans la plus grande discrétion avec la Nouvelle-Zélande est une catastrophe sociale, écologique et sanitaire.
Il va ouvrir les portes du marché européen au premier exportateur mondial de lait alors que nos producteurs locaux n’arrivent pas à vendre leur stock et à en vivre. Il priorisera des marchandises qui devront parcourir 20 000 kilomètres dans de gigantesques bateaux polluants pour nous fournir des denrées que nos paysans produisent déjà. Enfin, il n’exclura pas la présence de substances dangereuses comme l’atrazine, pourtant interdite en Europe depuis 2004.
Cet accord nous est pourtant présenté comme un accord exemplaire pour les citoyens et la planète. L’idéologie libérale a ceci de fascinant qu’elle peut justifier les pires aberrations au nom d’une prétendue rationalité économique. Comment croire, comme le font les défenseurs de cet accord, que l’augmentation prévue de 30 % des échanges commerciaux et donc du transport maritime avec un pays situé à l’autre bout du monde n’aura pas d’impact sur le climat «puisqu’il y a une clause pour faire respecter l’accord de Paris» ?
Le libre-échange est un dogme du passé. Il nous enferme dans un modèle agricole insoutenable qui épuise ceux qui produisent notre alimentation, empoisonne ceux qui la consomment, et contaminent les terres, les rivières et le vivant.
Le vote qui aura lieu lors de la session plénière du Parlement européen qui débute lundi 20 novembre à Strasbourg sera donc essentiel : il permettra de distinguer ceux qui veulent faire leur beurre PAR les agriculteurs européens et ceux qui le font SUR les agriculteurs européens. Ce vote sera d’autant plus déterminant que la signature de ces accords commerciaux s’accélère encore avec la finalisation actuelle d’une dizaine de traités, notamment avec le Mercosur, le Mexique, l’Australie ou le Chili…
La Commission et les dirigeants européens parlent de souveraineté et protectionnisme le lundi, mais abaissent le mardi des barrières douanières pour des produits venant des quatre coins du globe, accentuant encore notre dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondialisées. Ils admettent volontiers dans leurs discours l’impératif de relocalisation mais maintiennent des règles de concurrence européennes qui interdisent aux lieux de restauration collective de favoriser systématiquement les circuits courts et le local. Ils multiplient les promesses aux agriculteurs en difficulté mais adoptent des règles qui favorisent la concurrence déloyale de producteurs étrangers ne respectant pas les mêmes critères sociaux et environnementaux.
Ce discours n’a aucun sens : la pensée magique ne peut indéfiniment prendre le pas sur la réalité physique et sociale. Il y a contradiction fondamentale, incompatibilité radicale entre le libre-échange et la bifurcation sociale et écologique. Notre choix doit être clair : la Terre, plutôt que les porte-conteneurs.