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Il est temps de mettre un terme aux crimes impunis des multinationales !

Tribune 17 mars 2021

De l’esclavage au saccage de l’environnement, les multinationales ont bâti un système d’exploitation. Le 10 mars, le Parlement européen a adopté une proposition législative pour reprendre le contrôle.

Amazon, Nike, Lacoste et 80 marques accusées de profiter du travail forcé des Ouïghours. McDonald’s et consorts, soupçonnés de profiter de la déforestation amazonienne. 6500 travailleurs morts dans les chantiers attribués à Vinci et compagnie pour la Coupe du monde de football 2022. Toutes ces entreprises et tant d’autres profitent de crimes commis dans leurs chaînes de production. Pourquoi se priveraient-elles? Leur impunité est jusqu’ici totale. 

Les multinationales sont devenues à nos dépens notre interface avec le monde. Téléphones, vêtements, médicaments, aliments: elles organisent la production de nos biens de consommation, depuis l’extraction de ressources naturelles à leur distribution. Elles échappent à la norme commune et s’émancipent de tout contrôle public. 

Avec la mondialisation, les multinationales ont bâti un système global d’exploitation. Elles délocalisent leur production là où les droits sociaux et l’environnement sont le moins protégés. Et elles font faire le sale boulot, de l’esclavage au saccage de l’environnement, à leurs sous-traitants. Pas vu, pas pris. La justice, elle, est désarmée: le droit européen ne permet ainsi pas de tenir responsable une entreprise pour les crimes commis par ses filiales, ses sous-traitants ou ses fournisseurs. Les profits remontent jusqu’aux sièges des multinationales, mais pas la responsabilité juridique face aux innombrables victimes des conséquences sociales et environnementales de leur production. Ce qui revient en pratique à donner un blanc-seing total aux pratiques les plus répréhensibles des très grandes entreprises. 

L’exploitation avide du monde menace notre survie commune par le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’épuisement des métaux et autres ressources naturelles. Campées sur des empires mondiaux, protégées par les traités de libre-échange, les multinationales se jouent de la souveraineté de nos États. Il est temps que cela cesse. 

Pour corriger cette injustice, le Parlement européen vient d’adopter le 10 mars dernier une proposition législative sur le devoir de vigilance des entreprises à l’échelle du continent. C’est la première étape pour reprendre le contrôle. Il s’agit d’attaquer le problème par trois angles: droits humains, environnement et corruption. Les entreprises auraient l’obligation de tout mettre en œuvre afin d’assurer le respect des droits humains, de l’environnement et de l’intégrité publique le long de leur chaîne de production. À défaut, elles se verraient lourdement sanctionnées par des amendes, l’exclusion des aides et des marchés publics, l’interdiction d’importation de certains produits, ou encore la cessation d’activité. Les victimes pourront enfin accéder aux cours européennes pour obtenir réparation. Allant plus loin que la loi française de 2017, cette proposition concerne également les entreprises étrangères qui opèrent sur le sol européen, et les sanctions comme les moyens de mise en œuvre rendent possible un véritable rapport de force avec les plus grosses multinationales. 

L’Union européenne est une puissance économique et commerciale incontournable. À nous d’utiliser cette puissance à bon escient pour changer la donne à l’échelle mondiale. 

La France doit s’emparer du sujet et soutenir notre ambition au Conseil européen.

La complaisance des autorités françaises et européennes avec les multinationales n’a que trop duré et la prise de position du Parlement européen n’est qu’un début. Le combat sera long et difficile. Les lobbys français ne s’y sont pas trompés: le Medef, l’Afep (représentants des grandes entreprises) et certaines multinationales ont clairement tenté de tuer dans l’œuf ce projet européen. C’est grâce à la vaste mobilisation citoyenne, au travail de nombreuses associations et à la ténacité des quelques élus que nous avons fait primer l’intérêt des gens sur ceux de l’argent. Il est temps de remettre une bonne fois pour toutes les multinationales dans le rang en leur rappelant fermement qui commande. 


Manon Aubry, Députée européenne France Insoumise, co-présidente du groupe de la Gauche au parlement européen                                    

Raphaël Glucksmann, Député européen Place Publique                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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