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Liste commune NUPES aux européennes : je réponds sur le fond aux écologistes

Billet d'humeur 12 mai 2023

Le débat avance sur la liste commune NUPES aux européennes et je remercie l’écologiste Mélanie Vogel de présenter son argumentaire dans un long thread détaillé sans invectives et sans posture. Cependant, certains sujets présentés comme des désaccords de fond et évoqués également par David Cormand (chef de la délégation EELV au Parlement européen) dans son interview au Figaro ne le sont pas en réalité. Je me propose donc de répondre point par point dans ce billet de blog pour poursuivre ce débat sur le fond des propositions, qui sera quoi qu’il arrive utile à la gauche.

Mélanie Vogel (ici) et David Cormand (ici) présentent donc un certain nombre d'arguments sur lesquels je vais revenir un par un. 

Sur l’intérêt politique d’une liste commune, j’ai déjà eu l’occasion de présenter sur ce blog un argumentaire détaillé. Mais un élément crucial s'est ajouté : le sondage IFOP de la semaine dernière nous montre que les sympathisants des composantes de la NUPES veulent clairement cette union. Dans l’ensemble, 76% d’entre eux souhaitent partir ensemble à ces élections et en particulier 70% des sympathisants écologistes !

Sur l’intérêt électoral de cette approche, l’analyse du collaborateur socialiste François Malaussena (@malopedia) démontre qu'avec le mode de scrutin, une liste commune permettrait de faire élire plus d'élus de gauche (donc moins de droite et extrême droite), dans tous les cas. Et même bien plus d’élus si, comme je le pense, l’union suscite une vraie dynamique en créant l’espoir d’une victoire sur les macronistes et le Rassemblement national !

Face au rapprochement de la droite & l’extrême-droite, faire front commun au Parlement européen

Sur la reconfiguration du Parlement européen, je partage l’alerte sur la fusion de la droite et de l’extrême-droite. Elle est en cours, sous nos yeux. Mais nous avons justement une occasion unique de mettre fin à la cogestion opaque par les grands groupes parlementaires et de créer un front commun à gauche contre le péril brun.

La présidente des socialistes au Parlement européen en a aussi pris conscience. Elle annonce (on attend de voir dans les actes !) que la coopération socialistes-libéraux-droite n’est plus possible, si la droite et les libéraux continuent à se rapprocher de l’extrême-droite. La NUPES française doit montrer la voie de l’union pour que des majorités de gauche puissent naître sur certains sujets au Parlement européen. 

Bien sûr, les verts et les insoumis français travaillent déjà ensemble au Parlement européen. Mais nous pouvons, nous devons faire bien mieux ! Pour cela, il faut se rapprocher sur nos priorités politiques concrètes (programme commun) et sur notre capacité, notre habitude à coopérer (une campagne et un intergroupe). Nos militants le font partout en France sur le terrain, nous devons suivre leur exemple. C'est essentiel pour peser dans le jeu complexe et rapide du Parlement européen, et remporter des victoires.

J’ajoute que les élections européennes de 2024 seront suivies d'un an des présidences d'extrême-droite au Conseil européen (Hongrie puis Pologne). Nous ne pouvons pas attendre 2027 pour faire bloc contre les réactionnaires qui viendront dérouler leur programme à Bruxelles.

Sortir du faux débat pour ou contre l’Europe imposé par la Macronie

J'en arrive maintenant aux éléments de fond.

Je veux revenir là-dessus en détail pour mettre fin à un certain nombre d'idées reçues et de réalités déformées sur nos positions politiques précises. On nous fait croire à d’immenses divergences, alors que nos votes sont en réalité communs à plus de 80% au Parlement européen ! Et encore plus pour l’environnement, la santé, l’alimentation, les libertés fondamentales, les questions sociales, etc. 

Concernant notre rapport aux institutions et traités européens. Nous ne sommes pas pour la sortie de l'UE, je le disais déjà clairement en 2019 dans un entretien au Monde intitulé : “Nous ne sommes pas pour le Frexit”. Nous dénonçons les traités actuels et demandons d'en établir de nouveaux. Comme EELV d’ailleurs.

En cas de prise du pouvoir, nous sommes pour une désobéissance ponctuelle et ciblée à certaines règles européennes, en particulier sur des sujets économiques, environnementaux et sociaux. Cette désobéissance est nécessaire sur des sujets très concrets. Par exemple pouvoir investir dans la bifurcation écologique malgré les règles d'austérité. Ou pouvoir sortir des secteurs clefs du marché (transport, fret, énergie, santé...) malgré les règles de concurrence et de privatisation. Cela est très concret pour notre vie quotidienne : la fin des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité que tout le monde découvre depuis quelques semaines et qui se traduira par une augmentation des prix est le fruit de règles de concurrence européenne. 

C'est en somme un principe de mieux-disant social et écolo' pour nos politiques publiques. Nous voulons en revanche sanctuariser les piliers que sont l'Etat de droit, les libertés et droits fondamentaux qui sont nos garde-fous les plus chers contre l'extrême-droite et l'autoritarisme.

Cette dialectique entre respect des principes et désobéissance aux règles iniques est familière aux écologistes : elle s'enracine dans l'histoire de la désobéissance civile. D'ailleurs, l'ancien secrétaire national d'EELV Julien Bayou en a fait un livre en 2018 (« Désobéissons pour sauver l’Europe »). 

Notre désobéissance s'inscrit dans le cadre d'un rapport de force avec deux objectifs :

1. Pouvoir appliquer le programme de la NUPES au niveau national malgré des blocages européens

2. Entraîner avec nous d'autres Etats pour changer les règles 🇪🇺 qui minent l'écologie et la justice sociale

Nous ne serions pas les premiers à désobéir : le gouvernement français viole le droit européen sans le revendiquer sur les droits fondamentaux des migrants, sur la pollution atmosphérique, la surpêche, etc. Mais nous, nous le ferions avec un mandat démocratique clair et un principe de mieux disant écologique et social. 

La réalité de nos positionnements et de nos votes montrent une convergence très importante sur la plupart des sujets

Passons aux positions que nous prenons au Parlement européen. 

Nous sommes en faveur de plus de ressources propres européennes pour financer plus d'investissements en matière écologique et sociale. Nous venons d'ailleurs de déposer ensemble des amendements communs avec les verts sur l'imposition des multinationales et des plus riches.

Nous sommes pour plus de politiques publiques européennes quand elles sont un progrès. De mon côté sur la responsabilité européenne des multinationales, Leïla Chaibi sur les droits européens des travailleurs ubérisés, Younous Omarjee sur la politique européenne de cohésion, Marina Mesure sur l'alternative au marché européen de l'énergie.

David Cormand dit dans l'interview au Figaro que nous voyons l’UE uniquement comme en blocage. Ce n’est pas vrai ! Sur certaines régulations environnementales, le droit européen est par exemple plus protecteur. Par contre, il est par exemple un frein pour la reprise de contrôle public sur le marché dans certains secteurs (transport, énergie, etc.). Il faut aussi le reconnaître.

Nous ne sommes pas contre plus de compétences ou de pouvoirs européens quand cela a du sens, par exemple pour lutter contre l'évasion fiscale. Si c'est pour renforcer le pouvoir de contrôle et de sanctions en cas de non-respect de la règles des 3% de déficit, c'est sans nous (et sans les verts 😉).

Nous ne sommes pas contre le principe de coopérations européennes en matière de défense, et favorables notamment à plus de coordination industrielle. Nous contestons en revanche la subordination actuelle de l’Europe de la défense à l’OTAN qui est contradictoire avec l’objectif d’une Union européenne indépendante. Les verts l’ont également toujours dénoncé.

Contrairement à ce que dit David Cormand, nous sommes d’ailleurs de manière plus globale pour la perspective d’une Europe non alignée sur le plan géopolitique, indépendante face aux empires, et avec comme boussole le droit international et le cadre de l’ONU. Force est de constater que nous en sommes encore très loin aujourd’hui.

Nous sommes pour le fait que l'Union européenne sanctionne les Etats membres qui ne respectent pas l'Etat de droit. Nous avons évidemment demandé, aux côtés des écologistes, à ce que la Commission et le Conseil prennent leurs responsabilités face à la dérive autoritaire d'Orban en Hongrie. 

Nous avons par ailleurs dénoncé tout comme les écologistes l'alliance entre Macron et Orban sur la taxonomie. Avec le deal honteux du "si tu me permets de développer mon nucléaire, je ferme les yeux sur ton gaz et j'accepte de la considérer comme une énergie écologique". 

Sur l'élargissement, nous assumons une position pragmatique. Nous avons soutenu la perspective d’adhésion de l’Ukraine, à terme. Mais tout élargissement doit être conditionné à une harmonisation sociale et écologique préalable pour éviter un dumping intra européen massif. 

Enfin, Mélanie met en avant la notion de “fédéralisme". Je préfère dépasser ce débat théorique, voire téléologique (et sur lequel on ne vote pas) pour parler de démocratie. Nous sommes pour le droit d'initiative du Parlement européen, les listes transnationales et la fin de l'unanimité sur les questions fiscales.

Sur l'enjeu de l'unanimité au Conseil, nous sommes pour la supprimer sur les questions fiscales comme déjà évoqué. Mais si l’on abandonne le pouvoir de véto national sur les traités de libre-échange, on perd un levier essentiel pour les bloquer. Cela mérite au moins réflexion.

Ouvrons la discussion programmatique pour regarder la possibilité de nous accorder sur un programme d’actions européen commun !

De manière générale, Mélanie Vogel fait l'impasse sur le fait qu'un chapitre Europe ait été signé par l'ensemble des partis de la NUPES en juin 2022. Il s'accorde pourtant sur une méthode (incluant la désobéissance ciblée) et des propositions précises. Ce chapitre mériterait bien sûr d'être approfondi et retravaillé collectivement. C'est d'ailleurs simplement ce que nous demandons à ce stade.

Mélanie n’évoquait pas dans son thread initial  la réalité de nos votes au Parlement européen qui sont donc à 80% similaires (elle a reconnu depuis que nos votes étaient effectivement très similaires). Elle fait aussi l’impasse sur la réalité de notre travail ensemble au Parlement européen entre écologistes, socialistes et insoumis (qui précédait d'ailleurs la création de la NUPES).

J'irai même plus loin, c'est en travaillant ensemble qu'on a pu se convaincre d'évoluer par rapport à nos positions initiales. Nous avons voté les résolutions appelant à un soutien de l'Ukraine, y compris militaire, alors que nous étions initialement plus mesurés sur la livraison d’armes. Dans l'autre sens, les verts 🇫🇷 ont voté avec nous contre l'extension du marché carbone aux particuliers, en opposition au reste de leur groupe, pour refuser de faire payer aux plus pauvres le coût de la bifurcation écologique. 

C'est cette dynamique qu'il faut encourager.

David Cormand et Mélanie Vogel nous disent : on peut faire une campagne propre, être chacun dans nos couloirs en n’attaquant uniquement nos adversaires. J’aimerais le croire mais on voit justement déjà que la tendance est à l'exacerbation, artificielle, de nos différences.

Continuons le débat ensemble plutôt que par notes de blog interposées 

J'espère avoir répondu point par point à l'ensemble des éléments présentés par Mélanie Vogel et David Cormand et je suis prête à répondre à toute autre interrogation sur le fond des idées. Je pense en revanche qu'il est temps d'engager un travail ensemble sans passer par réseaux sociaux interposés !

Je ne cherche pas à dire que nous sommes d'accord à 100% sur chaque détail et chaque virgule. Mais que les désaccords présentés comme insurmontables ne le sont pas. Et donc qu'une discussion pour un programme d'actions commun cohérent aux européennes est possible.

Je suis députée européenne et je pense comme Mélanie que les sujets européens sont essentiels : il faut donc s'accorder dessus pour que la NUPES soit crédible. Ma proposition est donc simple, entamons ce travail dès maintenant. Le débat est déjà ouvert, profitons-en et voyons où ça nous mène !

Faire campagne ensemble est la seule manière de pouvoir arriver en tête devant les macronistes et le Rassemblement national. Divisés, nous serons incapables d'imposer nos thèmes écologiques et sociaux et le débat se résumera aux termes et aux sujets choisis par Macron et Le Pen. 

Je ne m'y résous pas !

Manon Aubry

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