Partager

Inflation : Bruno Le Maire, Christine Lagarde et le déni des superprofits.

Billet d'humeur 11 mars 2023

C’est une présence à laquelle on peine à s’habituer : l’inflation et son cortège de difficultés, notamment pour les classes populaires. Elle se rappelle toujours à notre bon souvenir, que ce soit au moment de régler les factures d’électricité ou de payer les courses hebdomadaires. Avec un ticket de caisse qui se révèle de plus en plus salé : les prix des produits alimentaires ont subi une hausse de 14,5% depuis un an. Soit le double de la hausse générale des prix. Certains produits de première nécessité ont carrément explosé : +54,3% pour le sucre, +37,4% pour la farine, +25,2% pour le riz, 22,7% pour le beurre… Et malheureusement, on n’en voit pas encore le bout. Conséquence : selon les derniers chiffres, les salaires réels reculent de 3%. Mais cette situation ne semble pas émouvoir outre-mesure le ministre de l’économie Bruno Le Maire, ni la présidente de la Banque Centrale européenne (BCE) Christine Lagarde, tous deux dans le déni sur la principal moteur de la flambée des prix en cours : les superprofits des multinationales. Leur responsabilité est immense dans la crise des prix que nous traversons et je vous explique pourquoi dans cette note de blog.

Commençons par la BCE : publiquement, Christine Lagarde martèle à longueur de journée que la menace principale qui pèse sur l’économie, c’est le déclenchement d’une boucle prix-salaires. Autrement dit, que les augmentations de salaires et de prix s'alimentent réciproquement dans une spirale inflationniste hors de contrôle. Et c’est suivant cette logique que la Présidente de la BCE est prête à augmenter les taux d’intérêt jusqu’à “des niveaux qui restreignent l’activité économique”, selon ses dernières déclarations. Traduction : le chômage et la récession sont perçus comme des outils de lutte contre l’inflation. C’est cynique, mais dans la logique économique orthodoxe, ça se tient : moins d’activité économique, c’est plus de chômage et donc moins de personnes qui reçoivent un salaire (et tant pis pour eux). Au total, la demande générale s’en trouve réduite, de même que la pression à la hausse sur les prix. D’ailleurs, pour justifier la même politique de resserrement monétaire aux Etats-Unis, le Président de la Fed (équivalent de la Banque centrale) n’est pas passé par quatre chemins et a déclaré : “Nous avons besoin d’une hausse du chômage pour lutter contre l’inflation”. 


C’est donc la double peine : non seulement la hausse vertigineuse des prix rend la vie de plus en plus chère pour les gens. Et par-dessus le marché, les banques centrales prescrivent un remède de cheval inadapté qui va les paupériser et précariser encore davantage. Le cynisme est d’autant plus fort qu’en privé, Christine Lagarde sait pertinemment que ce ne sont pas les salaires qui font exploser les prix. Elle le sait car elle a assisté avec tous les gouverneurs de la BCE à une présentation de ses économistes-maison, dont les conclusions ne souffraient aucune ambiguïté : ce sont les profits, et non les salaires, qui tirent les prix à la hausse. Dit autrement : l’inflation constatée entre début 2021 et l’été 2022 s’explique deux fois plus par les marges des entreprises que par les augmentations de salaires. 


Pour résumer à très grands traits, il y a d'abord eu l’inflation créée majoritairement par la désorganisation de l’économie liée au covid, puis l’inflation causée majoritairement par la flambée des prix de l’énergie et des matières premières. On est maintenant dans une 3ème phase où les profits privés mènent la danse, même s’ils tenaient déjà un rôle important dans les phrases précédentes pour certains secteurs d'activité (énergie, transport maritime, secteurs miniers et agricoles). C’est l’exact inverse du discours que nous sert la BCE depuis plusieurs mois pour justifier sa hausse des taux. Laquelle profite avant tout aux grandes banques privées, qui reçoivent de plus en plus d’intérêts pour leurs dépôts sur les comptes des banques centrales, à mesure que les taux augmentent. Et on ne parle pas de queues de cerises : le taux directeur de 3% bientôt annoncé par la BCE signifie que les banques de la zone euro toucheront 122 milliards € d’intérêts en un an. Si les taux augmentent jusqu’à 4,5%, option à laquelle la BCE laisse la poste ouverte, ce sera même 183 milliards ! Dont 45 milliards rien que pour les banques françaises, d’après les calculs de l’économiste Eric Dor. Alors, Christine Lagarde, quand est-ce qu’on arrête avec le double discours ? 


Surtout que pendant ce temps-là, du côté du gouvernement, c’est le concours Lépine du vide pour lutter contre l’inflation : il nous avait d’abord annoncé une mesure-phare contre la hausse des prix sous la forme d’un “panier anti-inflation” de quelques dizaines de produits pour lesquels les prix auraient été plus ou moins gelés. Ça n'a jamais été ni très clair ni révolutionnaire, mais il y avait au moins l’idée d’une mesure uniforme à l’échelle nationale. Résultat des courses (vous l’avez ?) : Bruno Le Maire demande gentiment à la grande distribution de pratiquer des “prix les plus bas possibles” pendant 3 mois. En gros : Faites des promos… mais avec un petit logo tricolore s’il-vous-plaît. Pas de contrainte, pas de liste de produits ni de prix fixés. Rien. Nada. Parce que, vous comprenez, le ministre “croit à la liberté de commerce” et que “c’est à chaque distributeur de faire les efforts qu’il souhaite sur un certain nombre de produits de son choix.” En clair, les distributeurs ont réussi à tordre le bras au gouvernement, malgré le peu d’ambition qu’il avait à l’origine. Pourtant, ils se portent bien, comme l’ensemble du secteur agro-alimentaire dont les profits s’envolent et contribuent fortement à la hausse des prix de l’alimentation. Le taux de marge dans le secteur a atteint un pic de 44%.


Cela nous ramène à ce qu’on dit depuis le début : il faut taxer les superprofits car les grandes entreprises n’ont pas fait qu’amortir les crises, elles en ont aussi largement profité au passage. Le record de 152 milliards de bénéfices pour le CAC 40 en 2022 en est un nouvel indice. Bref, dans le cas de la BCE comme de celui du gouvernement français, on nie la réalité et on choisit délibérément de sacrifier les plus pauvres pour continuer de caresser les entreprises et les riches dans le sens du poil. Mais pour faire croire le contraire, le gouvernement lance des contre-feux, comme celui sur le partage de la valeur ajoutée dont je vous parlais récemment


La question du financement des retraites et celle de la lutte contre l'inflation reviennent donc finalement au même enjeu : le partage des richesses et la justice sociale. Et c'est cette bataille que nous continuerons de mener dans la rue, à l'Assemblée et au Parlement européen !



L'économie au service des peuples

25 oct. 2024
Tempête fiscale dans un verre d'eau… À moitié plein ?
Certains mariages lexicaux sont plus surprenants que d’autres. Qui aurait cru qu’un jour le vocabulaire de la fiscalité et celui des films d’horreur s'entremêleraient dans les discours des ministres et députés macronistes ? Nous voilà face à des expressions telles que « boucherie fiscale », « budget Frankenstein », « massacre à la tronçonneuse de nos entreprises » et « saignée pour le pouvoir d’achat ». Normalement, les journalistes auraient pour rôle de dénoncer ces outrances verbales. Bien loin de cela, la presse bourgeoise s’en fait l’écho, avec des titres alarmistes comme « tempête fiscale » (Les Echos), « fièvre fiscale » (Le Figaro), « foire aux taxes » (Le Parisien) ou « fuite en avant fiscale » (Les Echos).
13 févr. 2024
Tribune « Sortons des accords de libre-échange, assumons le protectionnisme écologique »
Pour l’eurodéputée LFI Manon Aubry, les annonces de l’exécutif pour répondre à la colère des agriculteurs passent à côté du défi de la transformation agricole. Elle condamne les accords de libre-échange et la concurrence déloyale ainsi créée, et assume défendre un « protectionnisme écologique ».

Autour des mêmes combats

25 octobre 2024

Tempête fiscale dans un verre d'eau… À moitié plein ?

Certains mariages lexicaux sont plus surprenants que d’autres. Qui aurait cru qu’un jour le vocabulaire de la fiscalité et celui des films d’horreur s'entremêleraient dans les discours des ministres et députés macronistes ? Nous voilà face à des expressions telles que « boucherie fiscale », « budget Frankenstein », « massacre à la tronçonneuse de nos entreprises » et « saignée pour le pouvoir d’achat ». Normalement, les journalistes auraient pour rôle de dénoncer ces outrances verbales. Bien loin de cela, la presse bourgeoise s’en fait l’écho, avec des titres alarmistes comme « tempête fiscale » (Les Echos), « fièvre fiscale » (Le Figaro), « foire aux taxes » (Le Parisien) ou « fuite en avant fiscale » (Les Echos).
13 février 2024

Tribune « Sortons des accords de libre-échange, assumons le protectionnisme écologique »

Pour l’eurodéputée LFI Manon Aubry, les annonces de l’exécutif pour répondre à la colère des agriculteurs passent à côté du défi de la transformation agricole. Elle condamne les accords de libre-échange et la concurrence déloyale ainsi créée, et assume défendre un « protectionnisme écologique ».
22 janvier 2024

POINT DE VUE. « L’Europe, à l’aube d’une cure d’austérité sans précédent »

Pour l’eurodéputée (LFI) Manon Aubry, la fin de la suspension – pour cause de crise sanitaire et énergétique — des règles budgétaires inscrites dans les traités européens va engendrer le retour de l’austérité, dont les services publics français seront les premières victimes.
15 septembre 2023

Tribune : Les jeunes construisent l’union de la Nupes aux européennes, suivons leur exemple !

Des députés de toute la Nupes, dont Manon Aubry, Karima Delli et Jérôme Guedj, s’engagent à soutenir les organisations de jeunesse de LFI, du PS, d’EE-LV et de Génération.s qui ont présenté 166 propositions communes en vue des élections européennes.
17 mai 2023

Plan de com du gouvernement pour “lutter contre l’évasion fiscale”, mais sans toucher aux plus riches !

Le Gouvernement ne sait pas comment se sortir de cette impasse : personne n’accepte sa réforme injuste des retraites. Il tente donc d’allumer des contre-feux. L’un des derniers en date ? La présentation d’un plan de lutte contre la fraude fiscale par le ministre du budget Gabriel Attal. Ce dernier indique même dans une interview accordée au journal Le Monde : « Notre priorité : faire payer ce qu’ils doivent aux ultrariches et aux multinationales qui fraudent ». Tiens et voilà que le gouvernement découvre qu’il y a des évadés fiscaux et que les ultra-riches qui ne paient pas leurs impôts dans notre pays… Eureka ?
5 mai 2023

ALERTE : LA PIRE CURE D’AUSTÉRITÉ & CASSE SOCIALE ARRIVENT

Vous avez aimé la réforme des retraites jusque 64 ans ? Vous aimerez encore + la cure d’austérité sans précédent qui s’annonce dont personne ne parle et qui pourrait nous forcer à travailler encore bien plus longtemps !

Vous pouvez lire aussi

Restez informés

Nous utilisons Mailchimp comme plate-forme marketing. En cliquant ci-dessus pour vous abonner, vous reconnaissez que vos informations seront transférées à Mailchimp pour en savoir plus sur la politique de protection des données de Mailchimp.
Vous pouvez vous désinscrire à tout moment en cliquant sur le lien en bas de nos emails. Pour avoir plus d'informations sur notre politique de protection des données personnelles, vous pouvez visiter notre site internet

Données personnelles

Les cookies permettent d'améliorer votre experience et facilitent la réactivité de notre site. Sur notre site, un cookie est actif : Google Analytics. Il récolte des données statistiques anonymes sur le site. Lorsque vous visitez le site de Manon Aubry, une seule donnée personnelle vous concernant est collectée avec ce cookie, il s'agit de votre adresse IP, mais celle-ci est anonymisée automatiquement par le système sans possibilité d'identification de la personne concernée. Si vous ne souhaitez pas que notre site utilise ce cookie, vous pouvez le refuser ci-après.