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POINT DE VUE. « L’Europe, à l’aube d’une cure d’austérité sans précédent »

Tribune 22 janvier 2024

Pour l’eurodéputée (LFI) Manon Aubry, la fin de la suspension – pour cause de crise sanitaire et énergétique — des règles budgétaires inscrites dans les traités européens va engendrer le retour de l’austérité, dont les services publics français seront les premières victimes.

Le soir du 31 décembre, au moment même où Emmanuel Macron exprimait dans ses vœux sa gratitude envers “nos compatriotes qui protègent, soignent, aident”, des dizaines de services d’urgence étaient contraints de fermer temporairement leurs portes, faute de personnel suffisant. Depuis fin 2016, près de 30 000 lits d’hôpitaux ont été supprimés. L’hôpital public craque, et le personnel soignant avec.

Les promesses répétées du Président de la République au chevet de la santé publique n’engagent que ceux qui les croient. Car le budget de la Sécurité sociale adopté au forceps par 49-3 prévoit en réalité 3,5 milliards d’euros d’économies en 2024. Sur le reste du budget national et donc des services publics, le gouvernement entend couper 16 milliards d’euros au total.

Et ce n’est que le début des hostilités. Après quatre années de suspension en raison des crises sanitaire et énergétique, les règles budgétaires européennes font leur grand retour avec un mot d’ordre clair : assurer le désendettement des États via la réduction des dépenses publiques, quoi qu’il en coûte pour les citoyens et la planète. Chassez le naturel, il revient au galop.

Dans le marbre des traités

C’est que les critères de 3 % de déficit et 60 % de dette maximum par rapport au PIB, aussi absurdes et obsolètes soient-ils, sont gravés dans le marbre des traités européens. Et la réforme en cours d’adoption du Pacte de stabilité et de croissance, ne prévoit pas de les changer. Pire, elle prévoit un retour à marche forcée sous ces seuils complètement arbitraires et des sanctions accrues. Ainsi, les États devront en moyenne réduire leur déficit de 0,4 % par an sur 4 ans au minimum, et ceux dont l’endettement est supérieur à 90 % du PIB seront obligés de l’abaisser d’un point de pourcentage par an. Les pays qui échouent à respecter ces objectifs, ou ne le font pas assez vite, encourent des sanctions financières. Certes, celles-ci existaient déjà dans l’ancien système, mais en dépit de 170 infractions et 38 procédures pour déficit excessif, elles étaient restées au stade d’épée de Damoclès permanente. Cette fois-ci, la Commission européenne a l’intention de les infliger de manière systématique et c’est là que la réforme sera la plus douloureuse. Le bâton, mais sans carotte.

Les nouvelles règles se traduiront par un resserrement budgétaire d’une ampleur considérable, en particulier pour les pays du sud de l’Europe. La France sera l’un des pays les plus durement touchés : pour les respecter, elle devra diminuer son déficit d’au moins 0,9 % de PIB par an sur 4 ans, soit environ 22 milliards d’euros chaque année. Une somme qui permettrait de financer 665 000 postes d’infirmier(e)s ou de recruter 623 000 enseignant(e)s du primaire. Un prix à payer colossal dont nos services publics ne pourraient se relever.

Ces objectifs ne sont pas seulement aberrants : ils sont intenables. La Banque de France est univoque : “En l’absence de nouvelles mesures, la réduction du déficit public ne serait pas suffisante pour entraîner une diminution du ratio de dette publique à l’horizon 2026”. Dès lors, on comprend que la cible des 60 % est encore plus fantaisiste. Et offre comme seul horizon un “assainissement budgétaire” sans fin.

On devine, en creux, ce qui se dessine : un état d’urgence budgétaire permanent qui permettra de justifier toutes les régressions sociales sans qu’aucune d’entre elles ne soit jamais suffisante pour résorber la dette. A fortiori lorsque, conformément aux recommandations très orientées de la Commission, il n’est jamais question de collecter de nouvelles recettes. La Commission a en effet demandé 8 fois à la France de réformer son système de retraites mais ne propose ni de taxer davantage les près de 100 milliards d’euros de dividendes versés aux actionnaires ni de rétablir l’impôt sur la fortune ou d’étendre la taxe sur les superprofits.

L’austérité qui vient

En somme, il n’y aura jamais assez de coupes budgétaires dans la santé publique, le logement social, l’éducation, les transports en commun. Il n’y aura jamais assez de réformes des retraites, du RSA, de l’assurance chômage, de l’aide médicale d’État. Pour une simple et bonne raison : l’austérité ne permet pas de réduire la dette. Le Fonds Monétaire International lui-même le reconnaît noir sur blanc dans un rapport publié en 2023. Molière se riait des saignées prescrites aux malades par les médecins du XVIIe siècle. Que dirait-il des cures d’austérité prescrites par les dirigeants du XXIe siècle ?

Au cœur d’une crise sociale sans précédent qui aura vu en 2 ans les prix de l’alimentation flamber de 20 %, ceux de l’électricité de 45 %, et avec 10 millions de personnes pauvres en France, les dirigeants européens s’apprêtent donc à fragiliser encore davantage les citoyens au service d’objectifs vains et d’un autre temps : discipline budgétaire, compétitivité, croissance.

Au cœur d’une crise écologique qui menace la survie même de l’humanité, ils font le choix délibéré de se tirer une balle dans le pied en limitant la capacité de la puissance publique d’investir massivement dans la lutte contre le changement climatique, la transition vers les énergies renouvelables et la protection de l’environnement. Mais nous le disons haut et fort : il n’y a pas de comptes à l’équilibre sur une planète morte.

L’austérité qui vient nous promet le chaos social et écologique. Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont beau faire des moulinets, ils ont cédé face à l’Allemagne et c’est une fois de plus sa vision ordo-libérale qui sort victorieuse. Et au Parlement européen, les trois plus grands groupes politiques (Parti populaire européen, Renaissance – où siègent les macronistes – et sociaux-démocrates) applaudissent des deux mains. Leur responsabilité est énorme. Nous avons été bien seuls à sonner l’alerte et mener la bataille contre cette folie.

Éradiquer la pauvreté et les inégalités. Assurer les besoins essentiels de tous les citoyens. Orchestrer et financer la bifurcation écologique. Voilà ce qui devrait être la priorité des politiques économiques et budgétaires de l’UE. Et l’enjeu des élections européennes.

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