Jets privés et méga yachts : nuisances de l' "abondance"
Cet été, comme tous les étés, c’était retour au bercail familial. J’ai pris l’habitude de vous parler de Bonifacio, mon petit village au sud de la Corse (peuplé en bonne partie par ma famille 😉), et de ses méga-yachts qui envahissent le port dès l’été commencé. Cet été n’y a évidemment pas échappé.
Alors comme chaque année, j’ai arpenté le port en sirotant une glace et fait ma revue annuelle des paradis fiscaux d’immatriculation de ces yachts. Cette année encore, la concurrence était forte entre Valetta (Malte) et GeorgeTown (îles Caïmans). Cette année encore, l’indécence de leur richesse contrastait avec la nullité de leurs impôts. Cette année encore, je savais pourquoi je mène d’arrache-pied depuis tout ce temps ce combat contre l’évasion fiscale. Et puis ce n’est pas comme s’ils n'avaient pas les moyens de payer leurs impôts : pendant que vous faisiez les fonds de tiroir pour payer un plein d’essence à 100€ et pouvoir partir en vacances, ces milliardaires dépensaient des dizaines de milliers d'euros rien que pour un plein. Tiens, prenez ce yacht l’Utopia (quelle ironie d’appeler son yacht Utopia !), c’est une consommation d’essence par heure équivalente à quasiment un SMIC. Et probablement à plus d’une année à rouler dans votre vieille voiture.
Mais cette année, comment ne pas être également fou de rage par l’utilisation sans compter de l’eau par ces méga-yachts alors que la Corse était au stade critique de l’alerte sécheresse ? Chaque petit recoin de ces immeubles flottants est astiqué, ré-astiqués, même les toiles et parfois ils arrosent même en l’air. Comme si l’Europe ne connaissait pas la pire sécheresse depuis 500 ans. Comme si plus d’une centaine de communes n’étaient pas déjà privées d’eau potable. Comme si l’eau n’était pas devenue une ressource si précieuse.
Alors que naît un débat (salutaire !) sur l’interdiction des jets privés, je veux y ajouter la question de ces méga-yachts. En une journée, le yacht de Vincent Bolloré a par exemple consommé l’équivalent de l’empreinte carbone annuelle d’un français. Avec ce budget CO2, il aurait pu parcourir… plus de 180 000 km an bus. Le yacht de Bernard Arnault pollue lui en un an l'équivalent de l'émission d'un français en… 1951 années ! Tout comme les jets, ces méga yachts sont vides une bonne partie de l’année. Et ne produisent aucune richesse puisqu’ils sont tous enregistrés dans les paradis fiscaux.
Alors, c’est bien d’une pierre trois coups que l’on pourrait faire en interdisant les méga yachts et les jet privés. Diminuer les émissions de CO2. Préserver l’eau. Et s’attaquer aux paradis fiscaux. Au-delà de l’impact climat, il en va de la justice sociale. Alors que les 10% les plus riches sont responsables de 50% des émissions de CO2, comment expliquer aux plus pauvres qu’ils devront « faire des efforts » comme le fait Macron quand les plus grandes fortunes continuent à faire des rodéos dans le ciel ou sur la mer ? À l'heure où Emmanuel Macron parle de la fin de l'abondance (quelle hypocrisie quand on sait combien il a soutenu l "'abondance" des grandes fortunes et des super-profits du CAC40 !), ne devrait-on pas enfin s'attaquer à l'abondance de ceux qui ont tout et détruisent la planète ?
Je suis sûre que les milliardaires trouveront d’autres occupations pour leurs vacances. Voire même qu’ils prendront parfois le train avec d’autres gens dans le même wagon. On peut leur dire qu’on y survit très bien ! 😉 (et comme le train est bien moins cher, on est tellement sympa qu’on leur fera même faire des économies, c’est pas souvent qu’on propose un gain de pouvoir d’achat pour les plus riches ! 😉)
Alors, en voyant l’Utopia et les autres mega-yachts dans le port de Bonifacio, j’ai ressorti mon T-Shirt Taxez les riches et l’espoir que leur utopie à eux soit terminée. Et qu’enfin on les ramène sur terre. Une terre qui brûle et qui ne peut plus être saccagée par une poignée de privilégiés qui achètent leur doit à polluer et ont depuis longtemps fait sécession en pratiquant l’évasion fiscale.
Car mon utopie à moi, c’est de retrouver le port de Bonifacio avec ses bateaux de pêcheurs, ses terrains de boule et ses papys et mamies à refaire le monde autour.