Étape 2 : du panier de légumes à l’économie du partage
« Tu vois cette terre argileuse Manon ? C’est un peu comme ton expérience ici, tu la mets sur ta main et elle sera indélébile : elle te marquera à jamais ». Ces mots empreints d’émotion, ce sont ceux de Pierre-Francois, paysan dans le Centre Var, après un long après-midi d’échanges sur les pratiques agricoles. Une de ces rencontres qui marquent une vie militante.
Nous arrivons à la rencontre de Pierre François et Isabelle, tous deux agriculteurs paysans, au terme d’une étape à vélo très agréable entre les vignes et sous le soleil. Ils nous accueillent en finissant la préparation des paniers AMAP qu’ils produisent chaque semaine et qui les fait (tout juste) survivre.
Cette histoire est l’histoire de paysans amoureux de la nature, défenseurs de la planète, militants d’une nourriture saine. C’est l’histoire de paysans qui produisent chaque semaine une cinquantaine de paniers de fruits et légumes exclusivement destinés à deux AMAP locales dans le Var, le département berceau des AMAP en France. Des circuits courts, une production agricole paysanne en harmonie avec la nature et sans pesticide : voilà le modèle agricole que nous devrions promouvoir et pourtant, Pierre-Francois et Isabelle ne reçoivent pas le moindre centime de subvention de la part de l’Union européenne, qui privilégie les énormes agro-industries en préférant financer en fonction de la surface agricole.
Alors ce sont les AMAP qui représentent « l’assurance-vie » de leur exploitation agricole en garantissant non seulement leur survie financière mais aussi en mettant sur pied une véritable économie du partage. « Qui aurait pu penser que d’un panier de légumes on arrive à une telle construction de solidarités » questionne Isabelle. Car derrière ce panier, c’est en fait tout un éco-système qui est né dans la région. Nicolas, membre de l’AMAP et venu filé un coup de main à la récolte ce jour-là l’atteste : s’il y a un pari qui est réussi c’est la force du lien social qui est né au sein la « communauté AMAP ».
La solidarité, ce mot qui caractérise si bien l’ensemble des rencontres que nous avons faites aujourd’hui. C’est dans ce même objectif de solidarité et d’impératif écologique que l’éco hameau du bois des brindilles a vu le jour au Cannet des Maures et que nous avons eu la chance de visiter. Ce sont aussi les maîtres-mots du restaurant eco-responsable Ecce Terra, où nous avons passé la soirée aux côtés de représentants d’une quinzaine d’association du centre Var. Le récit des courageux gilets jaunes du Cannet des Maures et leur organisation autour de leur Tour Eiffel géante avant d’être délogés il y a peine quelques semaines, les nombreuses initiatives et mobilisations locales sur l’écologie, l’accueil digne des migrants : toutes ces initiatives dessinent une alternative écologique et sociale qu’on va assurément mettre en selle pour les ramener à Bruxelles.
Au restaurant Ecce Terra ce soir comme tous les autres soirs, ce sont les légumes de Pierre François et Isabelle que vous trouverez. Des légumes sans pesticides bien sûr, que Pierre François et Isabelle combattent sans relâche en dénonçant la stratégie d’enfumage du gouvernement autour des « zones de non traitement ». Le débat n’est pas de savoir si une distance de sécurité de 5m ou 100m doit être mise en place autour de l’épandage des pesticides mais comment y mettre un terme. Après tout, pour reprendre les mots d’Isabelle « Ils nous ont bien aidé à utiliser massivement les pesticides, qu’ils mettent le même pognon de dingue à aider les agriculteurs à en sortir ». Et ce pognon de dingue s’appelle la Politique Agricole Commune et représente près de 10 milliards d’euros par an en France. Alors Pierre François compte sur moi pour ramener à Bruxelles la terre que tu m’as donnée et leur montrer ce que c’est que de cultiver des terres en respectant la nature et notre santé.
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