Grand retour de l'austérité… c’est encore nos hôpitaux et retraites qui vont trinquer
Chassez le naturel…il revient au galop. Après 2 ans et demi d’assouplissement du carcan budgétaire européen pour amortir les effets de la pandémie et de la guerre contre l’Ukraine, la Commission européenne prépare déjà le retour de l’austérité d’ici 2024 : elle a présenté mercredi une réforme des règles budgétaires en vigueur au sein de l’Union européenne.
Bon, je vous le dis d’emblée, c’est plutôt une arnaque qu’une amélioration : avec la proposition dans les cartons de la Commission, les règles seront légèrement plus flexibles mais les sanctions seront renforcées.
La pierre angulaire de ces règles budgétaires, ce sont les fameux seuils de 3% de déficit et 60% de dette par rapport au PIB découlant des traités de Maastricht de 1992 et du Pacte de Stabilité et de Croissance de 1997.
En vérité, ces “limites” ont été inventées sur un coin de table et n’ont aucun fondement économique (nous sommes les seuls au monde à fixer ces objectifs…) ni rationalité... Et pourtant, elles constituent l’alpha et l’oméga de ce qu’on appelle sobrement “le cadre de gouvernance macro-économique européen”.
Comprendre : l'austérité.
L’objectif de discipline budgétaire inscrit dans les traités se traduit depuis 2011 par un concentré de doxa libérale, le semestre européen, qui recommande notamment de manière obsessionnelle d’assainir les finances publiques" et de “réaliser des “réformes structurelles”...
Comprendre : couper dans les services publics.
La Commission a ainsi demandé:
❌ 8 fois en 10 ans à la France de réformer son système de retraites (Macron était tout fier de vendre à Bruxelles ses économies de 8 Mds d’€ sur la réforme des retraites)
❌ 63 fois aux Etats européens de réduire les dépenses de santé entre 2011 et 2018.
En pratique, les seuils de 3% de déficit et 60% de dette ont rarement été respectés.
Entre 2011 et 2020, les pays européens les ont enfreints + de 170 fois… mais aucun Etat n’a été sanctionné. Ce qui montre à quel point ces règles étaient déjà inapplicables et obsolètes…Mais avec le covid, elles ont carrément volé en éclat : les niveaux de déficits et de dettes ont explosé avec l’augmentation des dépenses étatiques pour éviter que l’économie ne s’effondre.
Actuellement, 14 pays se trouvent au-dessus du seuil des 60% et 15 au-dessus de celui des 3%. C’est pour cela que le Pacte budgétaire a officiellement été mis en pause en 2020. Une pause… pour mieux revenir; car les modifications envisagées sont cosmétiques.
En résumé, l’idée est de donner davantage de temps aux pays pour réduire leur dette (plan de 4 à 7 ans). En échange, ceux qui ne réussissent pas à rentrer dans le rang à temps se verront infliger des sanctions de manière beaucoup plus stricte et systématique.
Autrement dit, le rythme de réduction de la dette est allongé et les Etats auront un peu plus de flexibilité sur les moyens d’y parvenir.
Mais les règles des 3% et 60% restent bien en place. Pire, elles sont même sanctuarisées et seront bien plus effectives qu’avant.
Pas certain qu'on y gagne...
Mais surtout, la réforme ne change rien au fond du problème.
Oui, une coordination macroéconomique au niveau européen est nécessaire mais elle doit se faire sur la base d’objectifs radicalement différents : la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la transition écologique, les services publics.
Nous demandons donc une réforme en profondeur des traités européens pour changer radicalement de logique économique. Notre avenir ne peut plus dépendre de règles budgétaires absurdes : à quoi servira le respect de la "règle d'or" sur une planète morte avec des populations exsangues ?